Il était une fois... Des faims de vivre
- valeriegrondin
- 8 févr. 2024
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 juin 2024
8/ Au galop
« Ah la fenêtre c’est la liberté ! » s’exclame Madame 63ans quand je lui propose de dessiner une fenêtre.
Elle va donc se lancer dans le dessin d’une fenêtre à la craie, en choisissant avec ravissement les couleurs, en acceptant l’effacement de ses aplats et la maladresse de ses gestes.
« Madame 63ans a eu un petit AVC qui a provoqué une hémiplégie du côté droit, je te préviens, elle ne peut plus utiliser sa main droite, m’informe l’infirmière. Elle est également un peu plus confuse et désorientée, tu verras. »
Quand je me présente dans sa chambre, Madame 63ans est dans son lit, elle se souvient de la séance précédente et me montre la fenêtre qu’elle a fixée au mur.
« J’ai envie de dessiner et je veux dessiner un cheval, à la gouache ! »
Au fond de moi je me dis que la tâche va être ardue. Je prépare le matériel, la gouache, le pinceau qu’elle prend spontanément de la main gauche pour donner vie, en couleur, à ce cheval imaginaire.
A la fin, elle me montre satisfaite le résultat, un aplat de couleur jaune et orange.
« La dedans il y a un truc essentiel de ma vie, c’est l’équitation ! me dit-elle les yeux brillants de fierté.
- Est-ce que vous souhaitez le garder ou même l’accrocher ?
- Vous l’accrochez sur la fenêtre ! »
Lors d’une réunion de transmission entre soignants, un des médecins évoque le moment privilégié qu’il a passé dans la chambre de Madame 63ans.
« Pendant 40 minutes, elle a eu un discours sans confusion au sujet de ses chevaux à partir de son dessin. Elle nous a raconté ses concours à Chantilly, le nom de ses juments, son emploi du temps avec elles, sa vie à leur côté. »
Quinze jours avant sa mort, Madame 63ans a pu s’évader et nous embarquer dans son monde d’avant, à partir de quelques touches de couleur.
Merci de m'avoir accordé votre attention pendant ce récit.
Je suis thérapeute, spécialiste des deuils, j’accompagne les particuliers et les entreprises.
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